Vient de paraître : « Morale du style de Charles Baudelaire dans les 'Salons' », in « Le siècle en ses langages. Mélanges en l’honneur de Jacques-Philippe Saint-Gérand », éd. E. Bordas, Garnier, 2025.
- Jean-Michel Gouvard
- il y a 3 jours
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Les éditions Classiques Garnier viennent de publier un volume d'hommages à Jacques-Philippe Saint-Gérand, sous la direction d'Eric Bordas. J'y propose une étude inspirée des travaux de Jacques-Philippe Saint-Gérand sous le titre « Morale du style de Charles Baudelaire dans les Salons ».
Référence bibliographique :
GOUVARD (Jean-Michel), « Morale du style de Charles Baudelaire dans les Salons », in BORDAS (Éric) (dir.), Le siècle en ses langages. Mélanges en l’honneur de Jacques-Philippe Saint-Gérand, Paris, Classiques Garnier, 2025, p. 81-96.
RÉSUMÉ – L’antithèse est une figure récurrente dans les Salons de Baudelaire, comme en témoigne la manière dont il construit sa conception du “romantisme” et du “beau”. Cette figure ne fait toutefois pleinement sens qu’en regard de la théorie du langage exposée par Diderot dans ses propres Salons, dont Baudelaire s’était imprégné, et par rapport à la conception dominante du romantisme qu’avaient ses contemporains, telle que Pierre Larousse l’a enregistrée dans son Dictionnaire encyclopédique.
MOTS-CLÉS – Baudelaire, poésie, peinture, romantisme, esthétique
INTRODUCTION
Dans son essai Morales du style, Jacques-Philippe Saint-Gérand[1] propose une conception de l’analyse stylistique qui refuse le nominalisme descriptif auquel se limite bien souvent la version scolaire de cette approche des textes, et défend l’idée qu’il ne saurait y avoir de pratique scripturale qui ne renvoie à une conception linguistique sous-jacente. Cette dernière ne se confond pas avec une théorie ou un savoir scientifique sur la langue, tels qu’il s’en dessina depuis les prémices que posèrent les grammairiens de Port-Royal puis les philologues du Cercle d’Iéna, jusqu’à ce que s’épanouisse la linguistique contemporaine suite aux travaux des comparatistes et à l’enseignement de Saussure[2]. Par « conception linguistique » il faut entendre la représentation du langage que se forge un sujet donné, à un moment donné de l’histoire politique et culturelle de la société dans laquelle il vit. Pour Jacques-Philippe Saint-Gérand, une étude de style est ainsi indissociable de ce qu’il appelle ses « principes critiques », à savoir les jugements linguistiques et esthétiques qui sont au fondement d’une écriture, lesquels, tout autant que les thèmes abordés et le traitement qui en est proposé, reflètent également une éthique. Ces « principes » sont par nature changeants, à la fois au fil du temps et selon la formation et le positionnement idéologique de l’auteur, de telle sorte qu’on ne saurait aborder le « style » de Chateaubriand[3] ou de Vigny[4] sans l’immerger dans une histoire qui est, tout à la fois, la sienne et celle de son temps. Et c’est en cela que le titre de Morales du style fait sens : la « morale » ne s’entend pas ici au sens étroit et policé de prescriptions relatives à la conduite de soi en société, mais au sens premier, à savoir la prise en compte des « mœurs » contemporaines de la rédaction de l’œuvre, y compris le rapport, éventuellement conflictuel, de l’auteur avec celles-ci, selon qu’il accepte ou rejette plus ou moins les discours dominants et l’idéologie en place. Afin d’illustrer l’approche critique du style proposé par Jacques-Philippe Saint-Gérand dans ce volume qui lui est dédié, cette étude esquissera la « morale du style » qui caractérise les Salons de Baudelaire, dans lesquels, tout en passant en revue les peintures de l’année sélectionnées par l’Académie de peinture et de sculpture[5], le poète développe des conceptions esthétiques qui mettent en miroir, au-delà des seuls beaux-arts, sa propre pratique poétique.
[1] Jacques-Philippe Saint-Gérand, Morales du style, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1993.
[2] Sylvain Auroux (dir.), Histoire des idées linguistiques. Tome 3 : L'hégémonie du comparatisme, Sprimont, Mardaga, 2000.
[3] Jacques-Philippe Saint-Gérand, « Chateaubriand et la prosopopée : ‘...Une nouvelle manière d'écrire l'histoire’ ? », L'Information Grammaticale, 44, 1990, p. 19-24.
[4] Jacques-Philippe Saint-Gérand, L'intelligence et l'émotion, fragments d'une esthétique vignyenne (théâtre et roman), Louvain, Editions Peeters, 1988.
[5] Dans les années 1840, celle-ci était encore qualifiée d’« Académie Royale ». Elle perdra l’adjectif sous le Second Empire.
L'article est disponible sur le site de l'éditeur en suivant ce lien.

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