Conférence sur "La suggestion dans l'oeuvre de Lydia Davis" - Vendredi 1er avril
Le vendredi 1er avril, je présenterai à l'Université de Bordeaux Montaigne, dans le cadre du séminaire d'équipe de recherches Modernités, une conférence sur "La suggestion dans l'oeuvre de Lydia Davis".
Cette conférence sera l'occasion de faire découvrir au public français le travail de Lydia Davis. Je me focaliserai sur son dernier recueil publié, Can't and Won't, et plus particulièrement sur les textes qui relèvent des genres apparentés que sont les "very short stories" et les "flash fictions".
Vendredi 1er avril - 13h30-15h30 - Salle I 103 - Entrée libre
Présentation du séminaire
Le Centre Modernités avait consacré les cinq années précédentes (2015-2020) à un programme qui nous a permis d’explorer l’énergie dans la littérature, du côté de l’écriture et du côté de la lecture. Ce programme débouche maintenant sur l’étude d’une notion qui en sera l’aboutissement et que nous n’avions pas encore abordée : la suggestion. Cette notion implique en effet dans la création une énergie qui va s’exercer dans la réception. Selon une perspective de recherche que nous adoptons souvent dans les travaux du Centre Modernités, c’est aussi une notion qui reste à théoriser, à clarifier, à définir. Elle est à distinguer sans doute de notions voisines comme l’allusion, l’évocation, la connotation, l’implicite, le sous-entendu, car la suggestion opère à partir de ce que la représentation laisse d’incomplet, de fragmentaire, de lacunaire, de suspensif… Un incontournable point de départ théorique pourra résider dans l’esthétique mallarméenne qui voulait « ne garder de rien que la suggestion ». C’est le versant idéaliste et cognitif de la suggestion littéraire, qui se prolonge aussi dans le domaine émotionnel, voire érotique, et qui n’est évidemment pas réservé à la poésie, puisqu’on le retrouve dans l’écriture narrative et le roman depuis au moins deux siècles. Le questionnement peut être envisagé sous un angle phénoménologique : qu’est-ce que je perçois au juste lorsque, lecteur, je perçois une suggestion dans un texte littéraire ? Une suggestion agit-elle immanquablement sur son récepteur ? À quelles conditions le peut-elle ? Quels sont ses moyens rhétoriques, stylistiques ? Quels sont ses mécanismes linguistiques, psycholinguistiques ? La littérature, en particulier depuis l’ironie flaubertienne jusqu’à la sous-conversation sarrautienne, est un champ privilégié pour l’étude de ces phénomènes subtils. Mais la notion de suggestion implique également un versant pragmatique et factitif : par la force de suggestion d’un texte ou d’une œuvre, un lecteur, un spectateur ou un auditeur peuvent être incités non seulement à penser, à imaginer, à ressentir, à croire, mais aussi à faire. La suggestion peut ainsi être pourvue d’un pouvoir prescriptif, s’exerçant sur le terrain idéologique et politique (dans l’écriture pamphlétaire ou polémique par exemple). La suggestion serait-elle alors une sujétion ? Entre ces deux versants, la suggestion peut être proche d’un fonctionnement hypnotique (le conditionnement de l’hypnose repose sur la suggestion, ce que Freud a étudié dans ses premiers travaux). Elle peut aussi avoir, pour son émetteur, un pouvoir auto-hypnotique, comme des textes de Michaux ou d’Artaud pourraient nous le montrer. Nos corpus d’étude engloberont non seulement la littérature française mais aussi les littératures étrangères. Aucun genre littéraire n’échappe à la suggestion, que l’on pourra aussi étudier non seulement dans la poésie et les genres narratifs, mais aussi dans les relations des personnages au théâtre, dans la littérature pour la jeunesse, dans les rapports entre le textuel et le visuel, et dans d’autres arts comme le cinéma, la peinture, la musique.
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