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Colloque Pourquoi Alain Farah - Mise à jour du programme

Pourquoi Alain Farah


Colloque international organisé par

Jean-Michel Gouvard (Université de Bordeaux Montaigne / Plurielles UR 24142)

avec le soutien

de l’Institute of Languages, Cultures and Societies,

de l’Association Internationale des Etudes Québécoises,

de la Bibliothèque Gaston Miron,

et de l’University of London Institute in Paris

13, 14 & 15 Juin 2023

En présence de l’auteur


Inscription (gratuite) en suivant ce lien

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Mardi 13 juin

Bibliothèque Gaston Miron

Université de Sorbonne Nouvelle – Campus Nation

8 avenue de Saint-Mandé, 75012 Paris

18h-19h Rencontre avec Alain Farah

autour de son roman Mille Secrets Mille Dangers

Modérateur : Jean-Michel Gouvard

19h-20h Pot de bienvenue

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Mercredi 14 juin

University of London Institute in Paris

9-11 rue de Constantine, 75007 Paris


10h00-10h15 Accueil des participants

10h15-10h30 Présentation du colloque par Jean-Michel Gouvard


10h30-12h00 Séance 1 - Alain Farah et la littérature


Quentin Cauchin, « Alain Farah et les 90’s »

Derrière ce titre un peu provocateur, il n’est pas question de prêter à Alain Farah un goût musical, cinématographique ou même vestimentaire lié à la décennie 1990. La communication propose plutôt d’interroger son apport critique à notre compréhension du champ littéraire contemporain, et plus précisément, à l’entreprise esthétique et politique des poètes et poétesses de la décennie mentionnée (Olivier Cadiot, Nathalie Quintane et, même s’il s’avère moins présent que les deux précédents, Christophe Tarkos). Son travail de thèse proposait de poser les linéaments d'une histoire de la littérature française contemporaine dans une époque alors dépourvue de repères. Il ciblait notamment une articulation entre la poursuite d’une quête d’invention littéraire, du moins telle qu’elle était envisagée par les deux auteurs de son corpus, et le renouvellement des formes d’intervention (ou d’engagement) de l’écrivain dans la cité. Treize ans après, la communication propose une relecture de deux points précis :

1. Son défrichage du champ poétique contemporain, qui sera apprécié pour la pertinence de sa classification et revisité à l’aide d’outils théoriques récents et de sources historiographiques nouvelles. Ce point mettra en lumière une certaine dette à l’égard du travail critique d’Alain Farah pour les recherches qui suivirent.

2. La notion d’« incomparables », qui sera réévaluée en analysant les évolutions récentes des deux œuvres qu’il étudiait (prenant de vrais virages, entre la thématisation du politique chez Nathalie Quintane et la récente entreprise presque autobiographique d’Olivier Cadiot dans Médecine générale). La réévaluation tentera également un parallèle avec la trajectoire d’auteur d’Alain Farah lui-même (de la poésie opaque de Quelque chose se détache du port, au roman introspectif, et plus lumineux, de Mille secrets mille dangers).

Quentin Cauchin. Doctorant (D3), Marge, Université Lyon 3. En préparation d’une thèse depuis 2020, sous la direction de Gilles Bonnet et Benoît Auclerc, sur le nouage poétique et politique dans l’œuvre de Nathalie Quintane.


Luigi Magno, « Alain Farah lecteur. Notes à partir de Matamore n° 29 »

Peut-on imaginer un fil rouge qui réunirait Lamartine, « Montaigne Racine » (Pourquoi Bologne), Edgar Poe aux prises avec le Turc mécanique, Edgar Poe (& Baudelaire), Thomas Braichet, la Bible, Alain Robbe-Grillet, Marguerite Yourcenar, Hubert Aquin, Victor (& Léopoldine) Hugo, Denis Roche, Nathalie Quintane et Olivier Cadiot (parmi d’autres) ? Sans prétendre répondre à cette question, il s’agira de revenir sur les lectures d’Alain Farah telles qu’elles s’exhibent, circulent, ou alors se laissent à peine apercevoir voire se cachent, dans ses livres. Matamore n° 29 sera le noyau central ainsi que le point de départ de cette réflexion : à travers une relecture de ce roman, il s'agira de dégager une partie de la bibliothèque qu'Alain Farah a eu à l'esprit en l'écrivant – non sans un certain nombre d’incursions dans d’autres de ses livres. Cette cartographie, au-delà du simple inventaire des possibles intertextuels, souhaite indexer certaines implications pratiques de ces lectures, telles les amitiés ou les rencontres, sur la création.

Luigi Magno enseigne la littérature française à l'Université Roma Tre. Ses recherches portent sur les écritures contemporaines résultant d’une déstabilisation des définitions traditionnelles de la poésie. Il est l'auteur d'articles et d'essais sur, parmi d'autres, Francis Ponge, Denis Roche, Emmanuel Hocquard, Jean-Marie Gleize, Nathalie Quintane, La Rédaction, Jérôme Game, Edouard Levé.


12h00-14h00 Déjeuner


14h00-16h15 Séance 2 - Questions de formes


Benoît Auclerc, « De la brièveté à l’abondance verbale : détachement et flux »

Si le premier livre, Quelque chose se détache du port, se caractérise par des textes brefs, aux énoncés concis, dès le deuxième livre, une forme de profusion verbale est à l’œuvre, thématisée jusque dans les titres (Matamore n°29, Mille secrets, mille dangers). Cette communication interrogera ce passage vers la copia et le devenir des énoncés brefs, détachables, dans la prose romanesque, leur rôle dans le maintien d’une certaine forme de détachement.

Benoît Auclerc est Maître de conférences à l’Université Jean Moulin – Lyon 3. Ses travaux portent sur la poésie moderne et contemporaine et les relations entre littérature, genre et politique. Il est en particulier spécialiste de l’œuvre de Francis Ponge, dont il a notamment publié la correspondance complète avec Christian Prigent (Une Relation enragée – Correspondance (1969-1986), L’Atelier contemporain, 2020). Il a dirigé un volume consacré à Nathalie Quintane (éditions Classiques Garnier, 2015), a co-dirigé avec Yannick Chevalier le collectif Lire Monique Wittig aujourd’hui (PUL, 2012), et publié de nombreux articles sur la poésie contemporaine, consacrés notamment à Anne-Marie Albiach, Ivar Ch’Vavar, Danielle Collobert, Jean-Marie Gleize, Emmanuel Hocquard, etc.


Philippe Charron, « Jouer seul en double ? Une approche insolite du tennis »

Si, selon le réalisateur Pierre Carles, la sociologie est chez Pierre Bourdieu « un sport de combat », nous placerons, dans cette communication, le travail d’Alain Farah sous le signe du sport de raquette qu’est le tennis (thème important de Matamore no 29). Les stratégies, l’affrontement contre soi ou l’autre, le double, la feinte, le placement de balle, la balle in ou out (problèmes de vision des juges de ligne), les lignes, le coup croisé, la pression, l’effet rétro, les rebonds, le jeu de fond, le protocole et les règles, par exemple, sont autant de motifs tennistiques qui traversent les trois premiers livres d’A. Farah, sur lesquels je me pencherai plus particulièrement. Comme John McEnroe à Stockholm en 1984 qui contestait une décision du juge de ligne, A. Farah s’adresse à l’arbitre (mais qui est-il au juste ?) : « Il n’y a eu aucune erreur de jugement à présent dans ce match ? Vous n’avez revu aucune décision ? Aucune erreur ? Répondez à ma question. La question, crétin ! »

Philippe Charron est professeur au Département d’études littéraires à l’Université du Québec à Montréal. Ses recherches portent sur les rapports qu’entretiennent l’expérimentation, les usages sociaux et la dimension pratique de la pensée en littérature française contemporaine. Il a co-dirigé, avec Jeff Barda, un ouvrage collectif consacré à Pierre Alferi (paru en mars 2022 aux Presses du réel) et a également publié trois livres au Quartanier (Montréal) Superballe (2022), Journée des dupes (2013) et Supporters tuilés (2006).


Jean-Michel Gouvard, « La Ligne la plus sombre ou la pensée en mouvement »

Si La Ligne la plus sombre est un « roman graphique », illustré par Mélanie Baillairgé, et non un « roman », le terme générique dont Alain Farah désigne Matamore n°29, Pourquoi Bologne et Mille secrets mille dangers, celui-ci lui accorde néanmoins une place tout aussi importante et significative dans son œuvre. Dans cette communication, je montrerai en quoi, si l’auteur y poursuit la quête autobiographique mâtinée d’autofiction qui caractérise l’ensemble de ses écrits, il y développe une réflexion, aussi originale dans sa forme que dans son propos, sur l’écriture et le métier d’écrivain, du moins tel qu’il l’envisage.

Jean-Michel Gouvard est Professeur de Langue et de Littérature françaises à l’Université de Bordeaux-Montaigne (France) et Associate Fellow à l’Institute of Languages, Cultures & Societies (University of London, Royaume-Uni). Il est membre de Plurielles (UR 24142). Ses travaux portent sur les interactions entre la création littéraire et les représentations culturelles, sociologiques et politiques. Il dirige à Bordeaux un séminaire consacré au roman québécois contemporain, et il a publié récemment plusieurs articles sur les œuvres d’Alain Farah et Eric Plamondon.


16h15-16h45 Pause


16h45-17h45 Séance 3 – Traduire Alain Farah


Atelier de traduction improvisée de pages extraites de l’œuvre d’Alain Farah, animé par Anna-Louise Milne (ULIP)

Anna-Louise Milne travaille à l’intersection entre les études culturelles, la sociologie urbaine et la traduction interculturelle dans des contextes marqués par des migrations historiques et très récentes. Ses champs de recherche sont ancrés dans le Nord-Est parisien où elle est également impliquée dans des mobilisations en direction de personnes précaires et minorisées. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages dont A General Practice (The Cahiers Series/Sylph, 2021), The New Internationalists (avec Sue Clayton, Goldsmiths/MIT, 2020), 75 (Gallimard, 2016). Plus d’information et des textes courts sur annalouisemilne.ne


20h00 Dîner

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Jeudi 14 juin

University of London Institute in Paris

9-11 rue de Constantine, 75007 Paris


9h45-12h00 Séance 4 – Approches de l’œuvre romanesque


David Bélanger, « L’art de la crise : Alain Farah et le refus de choisir »

On aime rappeler que le terme « crise », de Krisis en grec, renvoie tout à la fois à « la faculté de choisir », et la nécessité de faire un choix dans certaines circonstances, et à la « phase grave d’une maladie » ; c’est cette deuxième acception qui persiste en français et qui signifie, par sens figuré, un moment périlleux et décisif : une crise identitaire, une crise économique, une crise des sciences européennes.

L’œuvre d’Alain Farah a ceci de particulier qu’elle pose la crise en son centre et ses œuvres répètent qu’on ne peut sortir de celle-ci qu’au prix d’une nouvelle crise. Celle-ci est avant tout littérale, et concerne la maladie – du corps dans Matamore no 29 et Mille secrets, mille dangers ; de l’esprit dans Pourquoi Bologne –, mais elle métastase au gré de l’œuvre à toutes les strates du texte et devient esthétique (Matamore no 29), économique (chez le Bad de Mille secrets, mille dangers), politique (La ligne la plus sombre ; Pourquoi Bologne). Elle constitue la condition même d’énonciation des narrations d’Alain Farah. Cet « horizon de turbulence[1] » refuse la résolution (elle est continuellement ajournée), l’autorité (l’énonciation et l’énoncé entrent en constantes oppositions métaleptiques, comme je l’ai déplié dans ma thèse de doctorat) et le choix (le narrateur est balloté par les événements). Ces trois éléments serviront de cadre pour lire une forme de crise postmoderne au parfum politique, esthétique et économique en littérature contemporaine telle que cristallisée dans l’œuvre d’Alain Farah.

Cette communication s’inscrira au sein d’un diptyque dont je dirai quelques mots ; en effet, elle poursuivra l’entreprise ouverte en mars dernier dans un colloque consacré à l’œuvre de François Blais, contemporain de Farah, communication intitulée : « L’art de la fraude : François Blais ne croit pas ».

David Bélanger est professeur à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et directeur adjoint de la revue Tangence. En 2021, il a fait paraître un ouvrage savant sur la littérature québécoise contemporaine (Appelée à comparaître. La littérature dans les fictions québécoises du XXIe siècle, PUM), et un essai de critique littéraire « par lettres » (avec Michel Biron, Sortir du bocal). Son essai d’enquête « interventionniste », d’après la méthode de Pierre Bayard, s’est mérité en 2020 le Prix Jean-Éthier-Blais récompensant le meilleur ouvrage de critique québécoise (avec Thomas Carrier-Lafleur, Il s’est écarté. Enquête sur la mort de François Paradis, 2019). Il est l’actuel codirecteur du Centre de recherche interuniversitaire en sociocritique des textes (CRIST).


Guillaume Bellehumeur – « ‘[R]ésister, par la forme et rien d’autre’[2] » : littérature et politique dans les romans d’Alain Farah »

Le mot de Theodor Adorno, cité par Alain Farah dans son Gala des incomparables[3], évoque la possibilité, pour la littérature, de créer de nouvelles « pratiques politiques[4] ». L’écriture de Farah, a fortiori dans ses trois romans, Matamore no 29 (2008), Pourquoi Bologne (2013) et Mille secrets mille dangers (2021), participe en effet de cette volonté de situer son combat politique au niveau de l’usage de formes déroutantes afin de parvenir à « d’autres partages du sensible[5] ».

Qu’on se rassure toutefois ; il ne sera pas question stricto sensu de lire Alain Farah romancier au prisme d’Alain Farah critique[6]. Ce rapprochement sera plutôt le point de départ d’une réflexion sur ce qu’on pourrait appeler, avec Olivier Quintyn, les « valences de l’avant-garde[7] » chez Farah.

On se propose d’étudier plus précisément l’une de ces survivances de l’avant-garde, à savoir l’injonction à lier art et praxis. Dans les trois romans nommés plus haut, cela se produit surtout : 1) au niveau de l’implication / provocation du lectorat ; 2) par le biais de la construction d’une multitude d’Alain Farah.

En faisant passer le lectorat du côté du personnage impliqué dans l’action[8], ou encore en refusant absolument l’univocité du narrateur / auteur / personnage, Farah exprime son « insatisfaction face au monde et aux modalités que le langage nous offre pour nous le représenter[9] », et par le fait même invite le lectorat à participer à sa résistance.

Guillaume Bellehumeur détient un doctorat en littérature française de l’Université McGill. Sous la direction d’Alain Farah, il a soutenu en 2021 une thèse intitulée « Dans les catacombes de la culture connue » : la pensée situationniste et la littérature québécoise (1958-1982). Ses principaux objets d’études sont les avant-gardes et les pratiques littéraires contre-culturelles. Enseignant la littérature au Collège Montmorency, il participe à titre de chercheur à la série La librairie de Guy Debord, aux Éditions L’échappée. Il a publié plusieurs articles, au Québec et en France, sur la postérité de l’Internationale situationniste et a récemment signé la postface de l’édition, par Sylvano Santini, de la correspondance entre Patrick Straram et Guy Debord, publiée aux Presses de l’Université de Montréal.


Elissa Kayal, « Hybridité et métissage : mille regards dans Mille secrets mille dangers »

« Égyptien pure laine. Québécois pur foul. Libanais par le mauvais œil, Montréalais du Petit Liban. » Alain Farah, dans son roman Mille secrets mille dangers (2021), appréhende l’hybridité – notion incontournable depuis les années 1990 dans les langages savants et populaires, de la linguistique jusqu’au cultural studies. Ce terme ambigu désigne, entre autres, la pluralité des traits culturels impliqués dans la construction identitaire dans un contexte de colonisation ou de domination (Bhabha) et la formation d’identités ambivalentes, résistantes et nouvelles. Si l’œuvre d’Alain Farah propose de nombreux motifs hybrides croisant, voire fusionnant deux ou plusieurs éléments culturels ensemble, comme ceux cités plus haut, ce métissage tantôt absurde tantôt humoristique semble en même temps critiquer la tentation de racialiser des groupes et des cultures en leur associant des caractéristiques supposées essentielles. En effet, bien que les questions de l’héritage et des origines obsèdent le personnage autofictif d’Alain Farah, ce dernier avance plutôt une déterritorialisation de la crise identitaire qui s’articule dans un espace de changement, de métamorphose et d'intervention continuel. Notre analyse du motif polysémique des yeux à l’ouverture de Mille secrets mille dangers comme lieu reterritorialisé de la crise nous permettra d’investiguer l’hybride comme un entre-deux ou un milieu qui « n’est pas du tout une moyenne », mais « au contraire l’endroit où les choses prennent de la vitesse » (Deleuze et Guattari).

Elissa Kayal est née au Liban et habite Montréal depuis 2011. Elle a fait des études en littérature de langue française et en création à l’Université McGill où elle a rédigé un mémoire de spécialisation sous la direction d’Alain Farah. Poète et dramaturge, elle a publié des textes en vers et en prose dans les revues Zinc, PØST, Lieu Commun et Estuaire.


12h00-14h00 Déjeuner


14h15-16h30 Séance 5 - Autour de Mille secrets mille dangers


Kiev Renaud, « Le portrait littéraire chez Alain Farah »

Cette communication propose d’analyser les (rares) portraits littéraires dans Mille secrets, mille dangers (2021) en postulant que ces courtes descriptions de corps et de visages permettent de prendre la mesure du rapport que l’écrivain Alain Farah entretient avec la tradition romanesque. Quoi de plus codé, en effet, qu’un portrait littéraire ? Le portrait a longtemps été un exercice de rhétorique visant à prouver le savoir-faire des orateurs, venant ainsi avec son lot de lieux communs et de stratégies d’organisation pour mener à une description aussi « vivante et animée » que son objet, et donner une impression digne d’un tableau (le terme « portrait » étant tiré du monde pictural). Difficile, donc, de faire preuve d’originalité lorsqu’il s’agit de décrire un personnage. Les figures « entre deux âges » semblent errer dans les livres avec leurs cheveux « poivre et sel » et leur « menton fuyant ». Qu’en est-il dans la pratique d’Alain Farah, auparavant reconnu pour ses propositions expérimentales, alors qu’il nous livre avec Mille secrets, mille dangers un texte à la facture plus classique ? Consent-il, pour ainsi dire, au portrait ?

Selon notre hypothèse, Alain Farah reconduit certains tropes de la forme du portrait, tout autant qu’il en subvertit d’autres. Nous proposons d’observer en détail la manière dont il s’approprie les codes de la description. Nous analyserons ensuite la fonction narrative de ces passages, dépassant largement le simple « effet de réel » : ils peuvent tout autant signaler l’importance d’un personnage (Constance est celle qui est le plus souvent décrite) que de canaliser tout un rapport à la filiation et à la mémoire (reconnaître une ressemblance avec un membre de sa famille, c’est insister pour le narrateur sur le lien qui les unit, pour le meilleur et pour le pire).

Kiev Renaud est professeure adjointe en recherche-création à l’Université de Sherbrooke. Ses recherches actuelles portent sur le portrait littéraire en littérature québécoise contemporaine dans le rapport privilégié que cette forme entretient avec la mémoire. Elle est l’auteure de deux romans publiés chez Leméac, Je n’ai jamais embrassé Laure (2016) et Pratique d’incendie (2021), et travaille également comme directrice littéraire à la maison d’édition montréalaise Le Cheval d’août.


Sophie Labatut, « Mille secrets, mille dangers, faute avouée à moitié réparée ? »

La littérature contemporaine aurait tendance, pour reprendre le terme d’Alexandre Gefen, à la « réparation ». Et de fait, d’une part l’autofiction moderne tend à sacraliser l’exhibition transparente d’un moi qui peine à se dire, mais s’en fait un devoir, pour aboutir à la résilience, et d’autre part l’écriture de soi depuis l’acte fondateur rousseauiste a maille à partir avec l’inavouable pourtant avoué. Or, si Mille secrets, mille dangers est bien une autofiction de réparation d’un côté, de l’autre l’angle d’attaque du secret nous invite à réévaluer cette équation. Tout le cheminement du roman, depuis la crainte du personnage (figurée comme un danger) d’avouer des secrets de toutes sortes (mais lesquels ?) lors de son propre mariage, jusqu’au finale, qui aborde l’inconsolable (de la disparition) et la consolation (de la transmission et de la libération), procède d’une dynamique dramatique qui joue sur trois plans : celui de la responsabilité (mais de quelle(s) faute(s) s’agit-il vraiment ?), celui de la tension narrative, et celui de la poétique du roman.

Ancienne élève de l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm, Sophie Labatut est professeure de chaire supérieure de Lettres modernes en classes préparatoires littéraires à Orléans. Ses recherches portent sur l’œuvre de Victor Segalen, à travers des contributions critiques et par une édition critique complète de René Leys aux éditions Chatelain-Julien, qui a servi de base pour l’édition du même roman en poche chez Folio classique. Elle est vice-présidente de l’Association Victor Segalen.


16h00-16h30 – Pause


16h30-17h30 Séance 6 – Entretien avec Alain Farah


En guise de conclusion au colloque, discussion libre entre l’auteur et le public.

Modérateur : Jean-Michel Gouvard


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------------------------------------------------------------- [1] L’expression est de Marc Gontard, Écrire la crise. L’esthétique postmoderne, Presses universitaires de Rennes (Interférences), 2013, p. 67. [2] Theodor W. Adorno, Notes sur la littérature, Paris, Flammarion, 1984 [1958], p. 289. [3] Alain Farah, Le gala des incomparables. Invention et résistance chez Olivier Cadiot et Nathalie Quintane, Paris, Classiques Garnier, 243 p. [4] Ibid., p. 18. [5] Ibid. Voir à cet effet Jacques Rancière, Le partage du sensible : esthétique et politique, Paris, La Fabrique, 2000, 74 p. [6] Quoique cela ne serait pas dénué d’intérêt et permettrait d’entrer dans le jeu des identités multiples (ou de l’identité multiple?) de Farah. [7] Olivier Quintyn, Valences de l’avant-garde. Essai sur l’avant-garde, l’art contemporain et l’institution, Paris, Questions théoriques, 2015, p. 16. [8] David Bélanger, « L’autofiction contestée : le romancier fictif et l’autarcie littéraire », Voix et Images, vol. XL, no 3, printemps-été 2015, p. 126. [9] Le gala des incomparables, op. cit., p. 19. [10] Quelques travaux qui servent à saisir la notion du transfuge sont Pierre Bourdieu (dir.), La misère du monde, Paris, Éditions du Seuil, 1993, p. 1325 ; Vincent de Gaulejac, La névrose de classe : trajectoire sociale et conflits d'identité, Paris, Hommes et Groupes, 1999, 310 p. ; Chantal Jaquet Les transclasses ou la non-reproduction, Paris, PUF, 2014, 248 p. ; Chantal Jaquet et Gérard Bras (dir.), La fabrique des transclasses, Paris, PUF, 2018, 288 p. [11] On parle souvent, entre autres, d’Annie Ernaux, de Didier Éribon, d’Édouard Louis ou de Nancy Huston.






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